Tous les deux ont vécu les Jeux Olympiques de Paris sur écran d’ordinateur, en replay. En plein Euro U18, en Finlande, Nolan Traore et Noa Essengue avaient une bonne excuse pour ne pas assister en direct au parcours des Bleus. A peine quatre mois plus tard, ils sont désormais parmi les principaux acteurs des qualifications à l’EuroBasket 2025. A l’heure de construire son effectif pour cette fenêtre FIBA, Frédéric Fauthoux n’a pas hésité à appeler les deux pépites de la génération 2006. Pour demain, bien évidemment. Mais également pour aujourd’hui. Traore avec Saint-Quentin (13,3 pts, 4,3 pds en BCL) comme Essengue avec Ulm (13,1 pts, 5,2 rbds en EuroCup) sont des éléments majeurs de leur club.
"Quand on commence une aventure, forcément on se projette", estime Frédéric Fauthoux. "On regarde les jeunes joueurs de talent en sachant que le monde entier les suit et que si tout se passe bien et qu’ils réalisent leur rêve de jouer en NBA, ils ne seront pas là pour d’autres fenêtres. C’est le moment ou jamais de les voir." Un discours emprunt de réalisme. Traore et Essengue sont l’objet de toutes les attentions de la part des franchises NBA. Ils figurent en 5e et 18e position du top 100 des prospects établi par le grand manitou du scouting, Jonathan Givony (ESPN), et sont donc des premiers tours de draft en puissance l’été prochain.
En attendant, les deux gamins ne se quittent pas d’une semelle. A l’aéroport, aux repas, dans les couloirs de l’hôtel, ils vivent ensemble, et dans la plus grande décontraction, une première qui en appelle sans doute beaucoup d’autres. Ils avaient découvert les compétitions internationales côte à côte en U16 et le destin les réunit à nouveau chez les A.
Le plus taiseux, Nolan Traore, a été propulsé meneur titulaire par Frédéric Fauthoux jeudi soir (10 pts, 3 pds). Un poste où il ne pourra échapper aux parallèles avec Tony Parker, lui aussi lancé dans le grand bain à 18 ans… quelques semaines après un Euro U18. "Il ne faut pas se lancer dans les comparaisons", tempère Boris Diaw. "Il y en a toujours eu mais ce sont deux joueurs différents. La rapidité, le jeune âge, le poste de jeu, je comprends mais leur tempérament est différent. Nolan doit faire son chemin."
"On espère que son évolution sera identique à l’espoir que l’on se fait du basketteur qu’il va devenir. C’est logique de le confronter aujourd’hui au niveau international", ajoute de son côté son entraîneur. Andrew Albicy, le capitaine, n’a d’ailleurs pas hésité à monter la pression défensive lors des premiers entraînements pour challenger le nouveau venu. Et s’il l’a parfois déstabilisé, le vétéran s’est rapidement rendu à l’évidence : son talent est immense. "Ce qu’il fait pour l’instant, c’est très fort, incroyable, il a beaucoup de responsabilités à Saint-Quentin et ça va nous servir pour les fenêtres et pour le futur", développe Albicy. "Pour son âge, il est très costaud, athlétique, et quand il commence à rentrer les shoots extérieurs, ça devient très dangereux pour tout le monde. Il est discret à l’extérieur, ce n’est pas un gros communicant mais tu sens qu’il a une confiance en lui, qu’il est à l’aise, même parfois un peu trop (rires). Surtout quand je défends sur lui, il est parfois un peu trop facile, il a déjà perdu deux ou trois ballons (rires), mais il va apprendre au fur et à mesure et il va s’endurcir."
Noa Essengue, de son côté, a vécu cinq minutes compliquées pour ses premiers pas contre Chypre lors de la première mi-temps et n’est plus revenu en jeu par la suite. Avant de prendre l’avion pour Poitiers, Maxime Chiron, l’assistant en charge du travail vidéo, a décrypté avec lui quelques séquences. Sans doute pour insister sur la nécessaire dureté à afficher dans le contexte international. Un niveau bien éloigné de celui auquel l’Orléanais était confronté il y a seulement un an. A sa sortie prématurée du Pôle France, en 2023, Essengue a fait le choix de rejoindre Ulm, en Allemagne. Sa première saison aura été passée principalement dans l’équipe réserve en troisième division tout en répétant ses gammes avec les pros. Une mise en couveuse avant la grande exposition. "L’année dernière je trouve que j’ai beaucoup progressé à m’entraîner avec des hommes", juge-t-il. "Et cette saison, l’EuroCup permet de mettre les jeunes en lumière. On l’a vu avec Zaccharie Risacher. C’est un jeu qui pour moi se rapproche plus de la NBA que le championnat allemand. Un jeu plus large, où tu peux plus facilement driver, jouer les contre-attaques. Ça me correspond un peu plus."
Dans l’antichambre de l’EuroLeague, Essengue a déjà pris ses marques. Et lors d’un match de pré-saison contre les Portland Trailblazers, a confirmé que sa taille, ses immenses segments et sa polyvalence étaient des attraits auxquels la NBA ne pouvait rester insensible. Frédéric Fauthoux, lui, n’a pas tergiverser à l’heure de le convoquer. "C’est un joueur profilé pour le très très haut niveau, moderne, qui peut attaquer le cercle, shooter à trois-points, complet. Mais il n’a pas 18 ans donc il y a toute une évolution à suivre."
Jeudi soir, Noa Essengue est devenu le 9e joueur le plus jeune de l’histoire à débuter chez les Bleus, alors qu’il ne deviendra majeur qu’en décembre. Des premiers pas discrets mais importants, au cours d’une saison qui va changer sa vie.